- ÉGYPTE ANTIQUE - L’Égypte romaine et byzantine
- ÉGYPTE ANTIQUE - L’Égypte romaine et byzantineAprès la mort de Cléopâtre, en 30 avant J.-C., l’Égypte passe au pouvoir d’Auguste et du même coup sous la domination romaine: elle devait y rester six siècles, c’est-à-dire jusqu’à la conquête arabe marquée en 640 après J.-C. par la prise de Babylone et en 641 par la chute d’Alexandrie. Peu d’occupations, dans le monde occidental, furent aussi longues, si ce n’est celle de l’Espagne par les Arabes, qui dura près de huit siècles, de 711 à 1492. L’analyse des étapes, des raisons et des conséquences de la conquête romaine en Égypte aboutit à la conclusion que, si le Romain retira beaucoup de l’Égypte, il lui apporta peu.1. Les étapes de la romanisationL’occupationJusqu’à la venue d’Hadrien en 130 après J.-C., l’installation des Romains en Égypte est avant tout une conquête militaire. Le pays est soumis, certes, mais n’est pas sûr et les Romains cherchent à le rallier, par les armes ou par la ruse. Octave fit preuve simultanément de modération à l’égard d’Alexandrie et d’énergie envers le reste de l’Égypte, plus éloigné des armées romaines. L’agent d’exécution de l’empereur est un dignitaire ne relevant que de lui, délégué du prince beaucoup plus que de Rome. Avant de s’appeler « préfet d’Égypte», il portait le nom de «préfet d’Alexandrie et d’Égypte», ce qui était plus conforme à la situation de la capitale «près de l’Égypte» à l’époque ptolémaïque. Le premier préfet connu est Caius Cornelius, originaire de Frégus, ayant des goûts littéraires et ami de Virgile; de 30 à 26 avant J.-C., il occupa cette charge qui, dans le cursus impérial, était immédiatement inférieure à celle de préfet du prétoire et qui, par conséquent, pouvait mener à la magistrature suprême. Un document capital donne le ton de l’intervention romaine en Égypte, même si le texte n’est pas exempt d’une certaine forfanterie. Il est gravé, en grec et en latin, sur une stèle conservée au musée du Caire mais trouvée au nord de l’île de Philae, devant le temple d’Auguste: «Caius Cornelius, fils de Cneus, Gallus, chevalier romain, après la défaite infligée aux rois par César, fils du divin (César), préfet d’Alexandrie et d’Égypte, le premier en date, vainqueur, en l’espace de quinze jours, durant lesquels il vainquit l’ennemi dans deux batailles rangées, de la Thébaïde qui avait fait défection, après avoir pris d’assaut (cinq) villes, Borésis, Coptos, Kéramikè, Diospolis Magna, Ophieum, s’être emparé des chefs de ces défections, avoir fait passer son armée au-delà de la cataracte du Nil, dans une région où ni du temps du peuple romain, ni sous les rois d’Égypte la guerre n’avait été portée, soumis la Thébaïde, commun effroi de tous les rois, donné audience à Philae aux envoyés du roi d’Éthiopie, et reçu leur roi sous sa tutelle, établi un chef du pays de Trente Schœnes sur la frontière de l’Éthiopie, aux dieux ancestraux et au Nil secourable a fait en offrande (cette dédicace).» Ce document résume toute la politique de Rome au Ier siècle après J.-C.: souci d’empêcher les révoltes indigènes, de s’assurer de la Thébaïde, de se garder contre les incursions venues du Sud, sans étendre inutilement les frontières de l’Empire, désir de rendre hommage aux dieux du pays et au Nil bienfaisant. Le deuxième préfet, Aelius Gallus (26-24 av. J.-C.), et le troisième, Caius Petronius (24-21), poursuivirent cette politique de pacification militaire, qui aboutit à un traité d’amitié avec le roi des Sabéens, souverain de l’Arabie Heureuse, riche en épices, encens et parfums, pierres précieuses et bois rares, et à l’écrasement de la rébellion menée en Nubie par la reine Candace. La route de Coptos à Leukos Limen (l’actuel Kosseir) porte la trace des militaires romains, dont les noms sont gravés sur la paroi du Paneion de l’Ouadi Hammamat ou dans les carrières du désert de l’Est. Des textes ont été découverts dans une grotte, en août 1968.Les premiers successeurs d’Auguste visèrent d’abord, eux aussi, à maintenir militairement le calme dans le pays et dans la capitale, et réprimèrent les querelles intestines en Égypte. À vrai dire, seule Alexandrie n’était pas toujours calme: les nomes, c’est-à-dire les différentes provinces, acceptaient le régime romain, d’autant plus qu’il traquait les pirates de la mer Rouge, ouvrait des voies commerciales vers Axoum et Méroé, et aussi vers les Indes. Sous Néron, Tiberius Julius Alexander, préfet de 66 à 69, d’origine juive mais renégat, écrasa la révolte juive et ramena le calme à Alexandrie, au prix de nombreuses victimes. Ainsi Vespasien, passant à Alexandrie, y fut accueilli avec faveur, et Titus assista à la consécration du taureau Apis: premier pas dans la voie qui amènera Domitien à ériger des temples aux dieux égyptiens, à Rome même.La coopérationAvec Hadrien, Rome entreprend une action culturelle en Égypte. Mais ce que l’empereur essaie de faire revivre, ce sont beaucoup moins les traditions proprement égyptiennes que l’héritage ptolémaïque. Quand il rend officiellement un culte à la statue chantante de Memnon, qui se dresse encore sur la rive gauche du Nil, à Louxor, l’empereur tient à faire d’un mythe égyptien une manifestation à la gloire de la culture grecque et de la souveraineté romaine. Cette statue porte des poèmes célébrant l’empereur et l’impératrice Sabine, ainsi que quatre épigrammes dues à la poétesse Balbilla. «On eût dit qu’on frappait un instrument de cuivre», dit l’une d’elles, «et Memnon émit de nouveau un cri aigu; comme salut, il émit même un son pour la troisième fois. Alors l’empereur Hadrien prodigua les saluts, lui aussi, à Memnon, et sur la pierre il laissa pour la postérité des vers qui montrent tout ce qu’il avait vu et entendu. Il apparut clairement à tous que les dieux le chérissaient.» Cet extraordinaire monument porte cent huit textes, mentionnant les militaires, les fonctionnaires d’Alexandrie ou de la province, en un mot tous les fidèles serviteurs de l’Empire; comme source de documentation, on ne peut lui comparer que le sanctuaire de Philae qui, outre ses cent vingt-sept inscriptions ptolémaïques, renferme deux cent quatre-vingt-quatorze textes d’époque romaine. Aux cités grecques, Hadrien adjoint une ville nouvelle, Antinooupolis (Antinoë), fondée au bord du Nil où s’était noyé son cher Antinoos, et il lui donne une constitution à l’imitation de celle de Naucratis. Il accorde aux Romains installés dans le pays le droit d’épouser des indigènes et fait venir des colons de Ptolémaïs, autre cité grecque d’Égypte. Il fréquente la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, restaure les collections et visite le musée. Enfin, il fait construire une nouvelle route pour traverser le désert de l’Est, d’Antinooupolis à Béréniké. Toute cette politique vise à promouvoir, en pays barbare, cette civilisation grecque dont Rome avait bénéficié et dont Hadrien se voulut le champion.La domination des Antonins, de 96 à 192, se traduit donc pour l’Égypte par une sage modération et un souci de compréhension. C’est ainsi qu’Antonin fit présent d’un hippodrome aux Alexandrins. La paix romaine régna sur la vallée du Nil, à peine troublée par la révolte des «Bergers» du Delta, vite réprimée par le préfet Avidius Cassius.Répressions et concessionsAu contraire, sous les Sévères, troubles et répressions caractérisent la domination romaine. Septime Sévère essaya pourtant de poursuivre la politique culturelle d’Hadrien, ornant la capitale et restaurant la statue de Memnon – de façon si fâcheuse il est vrai qu’il lui fit perdre la voix! Son fils Caracalla, en 212, élargit l’attribution du droit de cité romaine. Mais il dut lutter contre les mutins d’Alexandrie, établir une discipline stricte dans la capitale et dans la province. Sévère Alexandre fut l’objet des injures de la population. La violence régnait, comme le montrent les persécutions de Dèce contre les chrétiens. Certaines initiatives des Égyptiens ne furent pas tolérées par les Romains, tel le soulèvement du Delta, vers 253, qui proclama empereur le préfet Émilien; ou bien l’appel fait à Zénobie, en 269, ou encore le soutien accordé par la capitale égyptienne à un officier romain révolté, Lucius Domitius Domitianus, dont elle fit l’empereur Achilleus, avant que Domitien ne réduisît la ville en 295. Ainsi le IIIe siècle est-il une époque malheureuse, où la crise du pouvoir central aggrave, si elle ne les crée pas, les troubles sociaux et la misère économique. Rome doit même inaugurer une politique de concessions: elle permet aux farouches Belmmyes, qui menacent l’Égypte par le sud, de continuer à rendre leur culte aux dieux de l’île de Philae, privilège qui symbolise la précarité de l’Empire: une inscription grecque du grand temple nous apprend en effet qu’en 453 après J.-C., soit soixante ans après l’édit de Théodose contre les idoles, la déesse Isis avait encore là son culte, ses fêtes, ses prêtres.De l’Empire au diocèse et aux duchésUne convention généralement admise fixe à 284, année de l’avènement de Dioclétien, le début de l’époque byzantine en Égypte. Le Bas Empire est une période de réformes très profondes: Dioclétien rompt l’unité administrative de l’Égypte; la Thébaïde et, sans doute, la Libye inférieure se constituent en provinces, la Cyrénaïque est détachée de la Crète. Les premières inscriptions qui mentionnent un dux d’Égypte datent de 308-309. Le titre porté par cet officier, comme le remarque J. Lallemand, donne la liste des provinces existant à ce moment-là: l’Égypte, la Thébaïde et les deux Libyes, l’Égypte englobant encore, à cette époque, l’Heptanomide et le Delta. Les provinces égyptiennes et libyennes appartiennent au diocèse d’Orient, jusqu’en 370 ou 373. Dix ans plus tard apparaît le diocèse d’Égypte, qui groupe les provinces d’Égypte, de Thébaïde, d’Augustamnique et les deux Libyes. Il est administré par le préfet d’Égypte, qui a pris entre le 17 mars 380 et le 14 mai 382 le titre d’augustal. Ainsi le vicaire d’Orient est-il déchargé d’une administration trop lourde; d’autre part, le préfet et les praesides peuvent mieux accomplir leur tâche; surtout, le préfet ne dispose plus d’une force armée suffisante ni d’un territoire assez grand pour être tenté d’usurper le pouvoir impérial en cas de troubles intérieurs.Il faut attendre le règne de Justinien, empereur d’Orient de 527 à 565, pour constater des réformes comparables à celles de Dioclétien. Au début du fameux Edit XIII , Justinien résume la situation à la veille des réformes, dénonçant notamment les exactions des collecteurs d’impôts. La grande ordonnance promulguée en 538-539 réorganise donc complètement le pays: suppression du diocèse d’Égypte, constitution de différents duchés sous l’autorité du préfet du prétoire d’Orient, concentration entre les mains des gouverneurs des pouvoirs civils et des pouvoirs militaires, découpage de l’Égypte en cinq duchés (l’Égypte propre, l’Augustamnique, l’Arcadie, la Thébaïde, la Libye), chacun d’eux étant divisé en deux éparchies. De la sorte, l’unité politique du pays était brisée et les résistances diminuées, mais l’autorité des administrateurs était fortifiée, donc l’ordre assuré et la puissance du gouvernement impérial restaurée.Une corruption profonde n’en continua pas moins à régner dans les services publics; et les querelles religieuses, les exactions fiscales, les menaces barbares pesant sur l’empire contribuèrent à la décadence du pays. Les historiens de la conquête arabe ont parfois admis que les Musulmans furent accueillis en Égypte comme des libérateurs, tant on était lassé de la rapacité romaine et des rigueurs byzantines. Toujours est-il que les écrivains monophysites virent dans l’invasion étrangère leur propre délivrance et un juste châtiment imposé à leurs persécuteurs chalcédoniens.2. Les raisons de la présence romaineL’attrait que l’Égypte exerça sur Rome durant tant de siècles est dû à sa richesse. Dans l’économie antique, en effet, le pays offrait les ressources les plus appréciées, et d’abord les céréales. Qui tenait l’Égypte pouvait affamer Rome, et sans doute est-ce là une des raisons pour lesquelles elle fut, selon l’expression de Tacite, «séquestrée» par Auguste, qui délégua comme préfet un chevalier romain et qui interdit aux sénateurs d’y aller. Une grande partie du blé égyptien, levé au titre de l’impôt foncier, reçu comme fermage des grands domaines ou acheté avec le produit des taxes était amenée à Rome sur des navires qui repartaient vides. Ainsi cette richesse ne permit pas à l’Égypte d’établir des échanges commerciaux avec les autres parties du monde méditerranéen ou du monde occidental. Cette absence de commerce international dans l’ensemble du pays explique la persistance de la monnaie alexandrine qui suffit amplement aux échanges locaux. Le seul problème pour Rome, et plus tard pour Byzance, était de «tondre les brebis et non les écorcher», selon le mot que Dion Cassius attribue à Tibère et qui fut peut-être prononcé par Claude (Tiberius Claudius Caesar), puisque l’historien romain prétend que la phrase s’adressait à Aemilius Rectus, préfet sous Claude. La prospérité égyptienne étant fondée principalement sur l’agriculture, vigne, fruits, lin, papyrus pouvaient soit être exportés vers Rome, soit être vendus et ainsi permettre de lever des impôts. Ce sont des historiens de l’époque romaine, comme Strabon, ou surtout Pline l’Ancien, qui nous renseignent le mieux sur la fertilité de l’Égypte romaine. Sous l’Empire apparurent deux nouveautés d’importance: la roue à eau et la machine à battre.Rome veilla également de très près à l’exploitation des carrières de pierres ou de minerais précieux. Les inscriptions grecques surtout en témoignent, car les militaires ou les ouvriers chargés de cette extraction ont laissé, dans toutes les régions de mines (essentiellement le désert oriental et la basse Nubie), soit leurs signatures soit des actes d’adoration envers les dieux protecteurs de ces régions inclémentes, et notamment envers le dieu Pan, patron du désert. Carrières de granit rouge et gris de Syène, carrières de granit gris du Gebel Fatireh, carrières de porphyre rouge du Gebel Dokhan, carrières d’albâtre du Mons Berenicides , grès fin de Nubie, calcaire de Ptolémaïs, émeraude du désert oriental, or du Ouadi Hammamat ou du Ouadi Allâki, serpentins, ophites, basaltes sont exploités par les Romains durant le Haut et le Bas Empire. Pour transporter ces richesses, les Romains construisent des routes jalonnées de citernes, de camps et de tours servant de signal: routes d’Apollonopolis Magna (Edfou) ou de Koptos (Kouft) à Bérénice, route de Koptos à Kosseir par l’Ouadi Hammamat, route de Kainopolis (Qena) à Myos Hormos (Hourghada), via Hadriana longeant le littoral inhospitalier habité par les Troglodytes et les Ichthyophages, c’est-à-dire le rivage de la mer Rouge depuis Bérénice jusqu’à Klysma (Suez). En plein sable, on trouve encore aujourd’hui les vestiges de ces stations dans le désert oriental, comme le Paneion d’El Boueb, au sud-est de Phoinikon dans le désert de l’Est, ou le rocher d’Abou Dourouah, à l’ouest de Dakkeh, en basse Nubie. L’exploration systématique de ces lieux écartés va permettre de dresser un tableau de l’activité des Romains dans le désert égyptien. En même temps qu’elles rendaient possible l’exploitation de ces richesses naturelles, ces routes ouvraient aux armées romaines l’accès aux riches contrées qui produisaient l’encens, les parfums, les bois rares, les pierres précieuses, les riches étoffes. Par la Nubie on gagnait l’Éthiopie, par le désert l’Arabie Heureuse et les Indes.L’Égypte enfin était une base de départ d’où les armées romaines pouvaient intervenir dans les pays orientaux. D’après Strabon, au temps d’Auguste, il y avait en Égypte trois légions, trois ailes de cavalerie, neuf cohortes auxiliaires. En 109 arriva une légion nouvelle, la IIe Trajana Fortis , destinée peut-être à un autre théâtre d’opérations. Par son armée d’Égypte, Rome chercha surtout à se préserver des incursions, notamment de celles venues du Sud ou de Libye, qui pouvaient compromettre les récoltes et le recouvrement des impôts. Son souci fut d’établir aux confins de l’Empire un limes capable de résister aux invasions. C’est pourquoi sa politique militaire en Égypte fut beaucoup plus défensive qu’offensive; d’autant que la préoccupation principale était de prévenir les révoltes alexandrines qui auraient pu ruiner l’entrepôt qu’était Alexandrie, où se trouvaient entassées toutes les richesses devant prendre le chemin de Rome.3. Les méthodes de l’occupation romaineUne organisation traditionnelleLa plus grande habileté de Rome fut sans doute de ne pas bouleverser l’administration qu’elle hérita de ses prédécesseurs en aménageant un système qui avait fait ses preuves. Une organisation hiérarchisée de façon minutieuse conservait à l’empereur toute la réalité du pouvoir et toute initiative.Tacite déclare (Histoires , I, II): «Ce sont des chevaliers romains qui, depuis le divin Auguste, à la place des rois, gouvernent l’Égypte et les troupes destinées à la contraindre. On crut bon de tenir attachée à la maison impériale cette province d’accès difficile, riche en céréales, divisée et changeante dans ses superstitions et ses dérèglements, étrangère aux lois, ignorante des magistratures.» Une union personnelle est ainsi établie entre l’empereur, administrateur par l’intermédiaire de son délégué direct, le préfet d’Égypte, et le pays dont les habitants sont tenus à l’écart des magistratures à cause de leur inaptitude à les exercer.Traditionnelle en son principe, l’administration de l’empereur l’est aussi en ses modalités: cet empereur romain, qui figure en habit de pharaon sur les murs des temples d’Égypte, dispose d’un réseau de fonctionnaires directement calqué sur l’organisation ptolémaïque, elle-même issue de l’administration pharaonique. On retrouve donc les stratèges ou gouverneurs des nomes, assistés du scribe royal ou basilicogrammate, de nomarques, de toparques et topogrammates, de comarques et comogrammates, les uns directeurs, les autres scribes des subdivisions du nome. Sans doute les Romains apportent-ils quelques innovations de détail: les comarques ou chefs des villageois sont remplacés par une commission d’anciens, les presbyteroi ; la vieille police des «phylacites» est réorganisée; les «villes grecques» (Alexandrie, Ptolémaïs, Naucratis, Antinooupolis) conservent le privilège d’avoir une assemblée, mais, de façon générale, les notables, soumis à la surveillance étroite des fonctionnaires impériaux, ne jouissent d’aucune initiative et les métropoles des nomes ne connaissent guère de vie politique qui leur soit propre.Centralisation et contrôleLa centralisation caractérise l’Égypte romaine comme elle définissait l’Égypte ptolémaïque. À ceci près que les Romains eurent soin qu’une même fonction fût exercée par deux ou plusieurs magistrats se surveillant les uns les autres. Le préfet d’Égypte, par exemple, est le grand gestionnaire des revenus dont il est fait emploi en Égypte, et il examine les comptes que ses subordonnés de tous les nomes lui font parvenir. Mais le chef suprême des finances, le diocète, contrôle aussi tous ces mouvements d’argent. En outre, l’idiologue est une sorte de procurateur fiscal, juge du contentieux, qui doit connaître de nombre d’affaires financières. De même en ce qui concerne la justice: le conventus juridicus se tient à date fixe dans les différentes régions, et c’est le préfet d’Égypte qui tranche les questions graves; un papyrus le montre en train de rendre une sentence capitale. Mais le juridicus pouvait suppléer le préfet et contrôler sa juridiction. De même, les fonctions de stratèges et d’épistratèges pouvaient interférer, comme se confondaient parfois les commandements militaires.Grandeur et servitudes de l’étatisme, tel pourrait être le sous-titre de cette période romaine de la vie de l’Égypte. Mais ce qui contribuait à la grandeur de Rome renforçait la servitude de l’Égypte. Il n’est donc point étonnant que celle-ci un jour ait voulu changer de maître.
Encyclopédie Universelle. 2012.